Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/37

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écrites en Gaule nous montreront une série de domaines qui ont tous un nom propre ; ils s’appellent, par exemple, Albiniacus, Solemniacensis, Floriacus, Bertiniacus, Latiniacus, Victoriacus, Pauliacus, Juliacus, Atiniacus, Cassiacus, Gaviniacus, Clipiacus ; il y en a plusieurs centaines de cette sorte[1]. Ces noms, que nous trouvons dans des chartes du VIIe siècle, viennent certainement d’une époque antérieure. C’est sous la domination romaine que les domaines les ont reçus. Ils sont latins, et viennent, pour la plupart, de noms de famille qui sont romains. Cela ne signifie pas que des familles italiennes soient venues s’emparer du sol. Les Gaulois, en devenant Romains, avaient pris pour eux-mêmes des noms latins, et avaient appliqué leurs nouveaux noms à leurs terres. Quelques-uns avaient conservé un nom gaulois en le latinisant ; aussi trouvons-nous quelques noms de domaines qui ont un radical gaulois sous une forme latine. Dans la suite, tous ces noms de propriétés sont devenus les noms de nos villages de France. On aperçoit aisément la filiation. Les propriétaires primitifs s’étaient appelés Albinus, Solemnis, Florus, Bertinus, Latinus ou Latinius, Victorius, Paulus, Julius, Atinius, Cassius, Gabinius, Clipius ; et c’est pour cela que nos villages s’appellent Aubigny, Solignac, Fleury, Bertignole, Lagny, Vitry, Pouilly, Juilly, Attigny, Chancy, Gagny, Clichy.

Il est difficile de dire quelle était en Gaule l’étendue ordinaire d’un domaine rural. Il faut d’abord mettre à part la Narbonnaise, qui avait été couverte de colonies romaines et où le sol avait été distribué par petits lots. On doit mettre à part aussi quelques territoires du nord-est, voisins de la frontière et où furent fondées des colonies militaires de vétérans ou des colonies de Germains ; ici encore c’est la petite ou la moyenne propriété qui fut constituée, et il n’y a pas apparence qu’elle se soit beaucoup modifiée. Il en fut autrement dans le reste de la Gaule. Ici nulle colonie, nulle constitution factice de propriété. Ou bien les domaines restèrent aux mains de l’ancienne aristocratie

  1. On note que les Gaulois adoptèrent volontiers le suffixe acus au lieu du suffixe anus usité en Italie.