Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/443

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Paris, puis d’Orléans, qui paraît avoir joint à sa qualité de professeur celle de chanoine, acquit dans toutes les écoles de l’Occident une réputation d’esprit légendaire[1]. Il avait sans doute été très habile de son vivant à aiguiser des épigrammes et à versifier des méchancetés : on lui attribua tous les bons mots, calembours et reparties qui se transmettaient dans les couvents et dans les universités ; on lui rapporta l’honneur des pièces goliardiques[2] qui avaient le plus de succès ; on lui fit un piédestal du talent et des œuvres d’une légion de clercs ironiques. Peu à peu, ses épigrammes authentiques ne furent plus distinguées de son bagage adventice ; on oublia jusqu’au temps, jusqu’aux lieux où il avait vécu. — Le bon franciscain Salimbene, qui écrivit en 1283 des mémoires si instructifs et si amusants, croit que Primat était chanoine à Cologne en l’année 1232 ; il cite de lui plusieurs farces dont la scène se place à Rome, à Cologne, à Pavie : « C’était, dit-il, un grand truand et un grand drôle, qui improvisait admirablement en vers. S’il avait tourné son cœur à l’amour de Dieu, il aurait tenu une grande place dans les lettres divines et se serait rendu très utile à l’Église. » Il lui attribue, entre autres chansons, le plus pur chef-d’œuvre de la littérature goliardique, la Confession de Golias, cette confession, plus cynique et plus gaie que celle de Villon, qui est certainement antérieure de soixante-dix ans à 1232, et postérieure de vingt années environ à l’époque où Mathieu de Vendôme avait fréquenté le véritable Primat aux écoles orléanaises. — Au XIVe siècle, Boccace parle encore d’un rimeur facétieux, Primasso, qui égayait jadis les dîners de

  1. Citons l’un des traits qui lui étaient prêtés ; il fera juger des autres, car c’est le cas d’appliquer à ces puérilités l’adage Ab uno disce omnes : « Primat ne voulait chanter à l’église qu’en ouvrant la moitié de la bouche ; et comme on lui demandait un jour la raison de cette singulière habitude, il répondit que, n’ayant encore qu’une demi-prébende, il ne devait pas, aux heures canoniales, l’office de sa bouche tout entière. »
  2. Goliardique, de Goliard. Le mot « goliard » apparaît dans les textes, vers 1220, pour désigner les clercs vagabonds, indociles, burlesques, qui étaient en quelque sorte les jongleurs du monde ecclésiastique. Ils se recommandaient d’un personnage mythique, l’évêque Golias ou Goliath, auquel sont attribués quelques-uns des plus beaux poèmes goliardiques.