Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/444

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l’abbé de Cluny en son hôtel de Paris ; c’est de notre Primat qu’il parle, mais les abbés de Cluny n’ont pas eu d’hôtel à Paris avant 1269 ! A l’époque où vivait Boccace, toute notion chronologique s’était perdue depuis longtemps au sujet de l’habile rythmeur, du joyeux chanoine d’Orléans, ancêtre des goliards presque aussi chimérique que l’évêque Golias lui-même.

C’est encore une fortune très surprenante que celle de Walter Map, archidiacre d’Oxford, clerc familier du roi d’Angleterre Henri II Plantagenet. Son compatriote, son ami, Gérald de Barri, le représente comme le plus bel esprit de la cour d’Angleterre à la fin du XIIe siècle ; c’était un homme très savant, très fin, et qui n’aimait pas les moines, particulièrement les moines blancs (cisterciens) : Girald rapporte de lui que, ayant appris l’apostasie de deux moines, il s’écria : « Puisqu’ils renonçaient à leur moinerie, que ne se sont-ils faits chrétiens ! » Map a laissé un livre en prose, De nugis curialium, d’une lecture fort agréable ; ce livre ne nous a été conservé que par un seul manuscrit ; il a été imparfaitement édité par Th. Wright, et très peu de personnes l’ont lu. Il a écrit contre le mariage une déclamation dont il était très fier : Valerius ad Rufinum de non ducenda uxore ; on le sait si peu que des savants éminents persistent, encore aujourd’hui, à attribuer cette déclamation à saint Jérôme ! Par compensation, on a copié au moyen âge, et imprimé de nos jours, sous le nom de Walter Map, quantité d’ouvrages auxquels il a toujours été étranger. Les meilleures pièces goliardiques, que les scribes français ont ornées, pour les recommander, de la marque de fabrique de Primat, les scribes anglais leur ont imposé celle de l’archidiacre d’Oxford. Comme, parmi ces pièces, il y en a de fort grossières, l’élégant et précieux Map a gagné de la sorte, en Angleterre, un renom détestable et fort peu mérité d’ivrogne (a jovial toper). — Certes, l’ami de Gérald de Barri a composé des chansons rythmiques, mais, dans le fatras de ses œuvres supposées, qui l’a fait passer si longtemps, et bien à tort, pour le plus fécond des goliards, comment dégager ce qui lui appartient ? Autant chercher à retrouver les bons mots qui ont fait la gloire initiale de Primat parmi les nou-