Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/445

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velles à la main de toute date et de toute provenance dont le moyen âge a gratifié la mémoire du grand farceur.

La biographie de Serlon de Wilton n’est guère moins incertaine que celle de Primat, et elle a été, jusqu’à ces derniers temps, encore plus obscure ; car le XIIe siècle a compté jusqu’à quatre clercs du nom de Serlon qui se sont mêlés d’écrire : un chanoine de Bayeux, un évêque de Glocester, un abbé de Savigny, un abbé de l’Aumône. C’est ce dernier qui fut l’émule du fameux chanoine d’Orléans. Originaire de Wilton en Angleterre, il fut d’abord un des professeurs de belles-lettres les plus goûtés des écoles de Paris, aussi connu à cause de ses fredaines qu’à cause de sa science : « Quand j’ai bu du vin, dit-il quelque part, ça me fait pleurer et je fais des vers comme Primat. »

   Tum fundo lacrymas, tum versificor quasi Primas….

C’est sa conversion, éclatante et subite, qui a assuré à maître Serlon une popularité durable. Le récit en fut en effet consigné de bonne heure dans les recueils d’exemples édifiants à l’usage des prédicateurs ; il se trouve dans la collection d’anecdotes d’Eudes de Chériton et dans celle de Jacques de Vitri ; il a été commenté pendant plusieurs siècles dans toutes les chaires de la chrétienté. Serlon se promenait un jour dans le pré Saint-Germain quand un de ses compatriotes et de ses collègues, récemment décédé, lui apparut revêtu d’une chape en parchemin, couverte de fines écritures : « Là, dit le défunt, sont reproduits tous les sophismes dont ici-bas je tirais gloire, et cette chape pèse tant à mes épaules que je porterais plus aisément la tour de Saint-Germain-des-Prés. » Le lendemain matin, maître Serlon, ce logicien profond, ce poète mondain et grivois, dont les chansons couraient la ville, quitta brusquement l’Université de Paris, théâtre de ses triomphes, et se réfugia dans un monastère très sévère. Pour expliquer sa retraite précipitée, il laissa seulement deux vers moqueurs, très souvent cités depuis par les contempteurs mystiques de la dialectique et de la raison :

    Linquo coax ranis, cra corvis vanaque vanis ;
    Ad logicam pergo, quæ mortis non timet ergo.