Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/446

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Il fut élu, vers 1171, abbé de l’abbaye cistercienne de l’Aumône, près de Pontoise, le Petit-Cîteaux. Mais il ne dépouilla pas tout à fait le vieil homme. Il conserva toujours une singulière verdeur de langage. Moine blanc, il n’aimait pas les moines noirs (clunisiens). « J’attendrais, disait-il, avec plus de tranquillité le temps de la mort si j’étais chien noir que moine noir. » Il ne cessa pas non plus de faire des vers ; seulement, pour racheter les pièces impudiques qu’il avait rimées dans sa jeunesse, il s’appliqua désormais à de dévotes compositions. De Serlon de Wilton, on a surtout exhumé jusqu’à présent des vers postérieurs à sa conversion ; ils sont graves, quoique la verve gouailleuse de l’ancien poète profane, et très profane, y bouillonne encore….

Philippe de Grève n’est pas, comme Primat, un personnage légendaire, et ses vers ne sont pas presque tous perdus, comme ceux de Serlon de Wilton. Néanmoins, M. Daunou, en 1835, lui consacrait dans l’Histoire littéraire de la France une notice très brève ; on ne savait alors rien de lui, si ce n’est qu’il avait été chancelier de Notre-Dame de 1218 à 1236, et qu’il avait fait des sermons. Depuis 1835, la figure du chancelier Philippe, de celui qui fut, au XIIIe siècle, le Chancelier par excellence, a été lentement restaurée, et elle ressort aujourd’hui comme l’une des plus vivantes de son temps. Avec Robert de Sorbon, Philippe de Beaumanoir et Pierre Dubois, Philippe de Grève est un des hommes du moyen âge qui doit le plus aux patientes restitutions de l’érudition moderne.

Non seulement Philippe de Grève a prononcé des sermons (qui, pour le dire en passant, ne sont pas plus mauvais que beaucoup d’autres), mais il a laissé, avec une relation de la perte et de la découverte du Saint Clou en 1233, une Somme de théologie où de bons juges ont remarqué une originalité rare dans ce genre d’ouvrages, beaucoup d’érudition, d’indépendance et de véhémence. Comme théologien, il a donc présidé très dignement pendant près de vingt ans aux destinées de l’Université de Paris[1]. Ses relations avec les maîtres de cette Université n’ont

  1. Philippe de Grève était le fils naturel de Philippe, archidiacre de Paris