Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/448

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« désordres abominables », aux chansons profanes du Chancelier, plus enjouées, cependant, que licencieuses. Croirait-on que ces chansons, longtemps si célèbres, que tous les clercs, au XIIIe siècle, savaient par cœur, et dont des copies anciennes sont signalées aujourd’hui jusqu’en Suède, n’ont été révélées aux lettrés que depuis quelques années ? — L’attention fut éveillée pour la première fois, après cinq cents ans d’oubli, par un passage de la chronique de Salimbene. Salimbene, faisant l’éloge de son compatriote Henri de Pise, rapporte qu’il avait mis en musique plusieurs morceaux de « maître Philippe, chancelier de l’Église de Paris », et notamment six pièces qui commençaient par les mots : Homo quam sit pura — Crux de te volo conqueri, etc. Or, sur ces six pièces rythmiques, quatre se sont retrouvées dans un manuscrit du Musée britannique, parmi une quarantaine de petits poèmes, précédés de la rubrique commune : « Dits de maître Philippe, le feu chancelier de Paris ». Elles se sont retrouvées aussi dans l’Antiphonaire de Pierre de Médicis, et ailleurs. Elles assurent à Philippe de Grève une place très honorable parmi les écrivains lyriques du moyen âge. Tel était, aussi bien, l’avis de maître Henri d’Andeli, chanoine de Paris, qui a rimé en langue vulgaire un curieux éloge funèbre du Chancelier (mort le 25 décembre 1236). L’habile trouvère Henri d’Andeli représente Philippe de Grève comme « le meilleur clerc de France » et le plus habile des « jongleurs ». — Si Philippe de Grève, au lieu de composer en vers latins rythmiques, avait versifié ordinairement en français (il se l’est quelquefois permis), il serait placé, en effet, au nombre des bons jongleurs ; mais la langue et le rythme qu’il a choisis ont retardé pour lui l’heure de la réputation posthume….

CH.-V. LANGLOIS, La littérature goliardique, dans la Revue politique et littéraire, 24 déc. 1892.