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III. — UN FRANCISCAIN DU XIIIe SIÈCLE : FRA SALIMBENE.


Ce pauvre franciscain du XIIIe siècle, très bon chrétien d’ailleurs, n’a pas été canonisé ; il n’a pas été brûlé non plus ; on n’a guère brûlé des franciscains qu’à partir du XIVe siècle. Ce n’était point un grand clerc : il s’obstine à prendre Henri III pour Henri IV et à conduire à Canossa un empereur qui n’eût jamais consenti à s’y rendre. Il nous conte des histoires de nourrices : le dragon du mont Canigou, qui sort d’un lac quand on y jette des pierres et obscurcit le ciel de l’ombre de ses ailes ; l’aventure d’un fou que le diable étrangla nuitamment au milieu des pains entassés par lui en prévision de la famine. Ce n’était point un poète passionné, comme Jacopone da Todi, et très capable de tourmenter le pape en langue vulgaire. Salimbene a rédigé sa chronique en latin, et je vous assure qu’il est moins bon latiniste que Cicéron. Mais quel joli latin ! tout plein de barbarismes sans être barbare, souple, vivant, tel qu’on le prêchait alors dans l’intérieur des couvents, pour l’édification plus dévote que grammaticale des moinillons. On y trouve tout le vocabulaire de la plus basse latinité. Le potage s’y appelle bonnement potagium ; on y voit un évêque qui, craignant une émeute de ses ouailles, s’enferme dans sa tour, quod pelli suæ timebat. La critique de Salimbene est nulle. Il n’envisage l’histoire qu’au point de vue des intérêts de son ordre et juge les rois, les papes et les républiques selon le bien ou le mal qu’ils font aux franciscains. Pour lui la maison d’Assise est le cœur du monde. Comme la plupart des vieux chroniqueurs, il met au même plan les plus graves événements de son siècle et les plus minces accidents naturels. Nous apprenons par lui qu’en 1285, au mois de mars, il y eut une étonnante abondance de puces précoces ; en 1283, une mortalité sur les poules : une femme de Crémone en perdit 48 dans