Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/479

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Mais l’impartialité n’était qu’apparente. Ce pape était Alexandre IV, celui-là même qui, au dire de Salimbene, redoutait la mort prématurée que Dieu avait infligée à son prédécesseur Innocent IV, pour n’avoir pas suffisamment protégé les Mendiants. Il ne lança pas moins de quarante bulles contre l’Université, et, tandis qu’il se bornait à réprouver la doctrine de l’Évangile éternel, il poursuivait avec acharnement l’auteur des Périls des derniers temps….

En 1256, les prélats réunis en concile à Paris, sous la présidence de l’archevêque de Sens, avaient voulu mettre fin à la lutte entre les Jacobins et l’Université et avaient désigné comme arbitres les quatre archevêques de Bourges, de Reims, de Sens et de Rouen. Guillaume de Saint-Amour avait eu à cette occasion avec le roi une entrevue que Rutebeuf nous fait connaître et où il s’était engagé à respecter la sentence des arbitres. De son côté, le roi avait promis d’obliger les religieux à s’y soumettre, et il l’avait juré, comme il en avait l’habitude, au nom de lui, pour ne pas jurer par le nom de Dieu ou des saints. Mais le pape cassa l’arbitrage, enleva le droit d’enseigner à Guillaume et à trois autres maîtres de l’Université, et ordonna qu’ils fussent bannis du royaume de France. Après un voyage inutile à Rome, Guillaume dut se retirer dans sa ville natale, à Saint-Amour, qui se trouvait alors sur les terres de l’Empire, en Franche-Comté.

Dans le Dit de maître Guillaume de Saint-Amour, Rutebeuf proteste contre cet exil, et il en appelle aux prélats, aux princes, aux rois, à Dieu lui-même. Pour lui, le bannissement de Guillaume est contraire au droit, car le pape n’a aucune juridiction sur la terre de France, et le roi ne peut condamner personne sans jugement. Il soutient cette doctrine avec une fermeté éloquente, et ne craint pas de menacer le pape et le roi de la vengeance divine.

    Oyez, prélats, princes et rois,
    La déraison et l’injustice
    Qu’on a fait à maître Guillaume :
    On l’a banni de ce royaume !
    Nul si à tort ne fut jugé.