Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/494

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les plus autorisés du Saint-Siège, Aristote trouva bientôt des défenseurs. Aussi la prohibition primitive reçut-elle, en 1231 déjà, une forme moins absolue ; Grégoire IX maintint alors et renouvela la défense d’étudier les textes suspects « jusqu’à ce qu’ils eussent été corrigés et expurgés ». Cette opération singulièrement délicate ne s’exécuta jamais d’une manière officielle. Mais sous l’empire de ces ordonnances, qui rigoureusement ne s’appliquaient qu’au diocèse de Paris, des dominicains fort attachés au Saint-Siège et possédant son entière confiance, à Cologne Albert de Bollstaedt, à Rome son disciple Thomas d’Aquin, continuèrent à commenter assidûment les textes interdits, qu’ils s’efforçaient d’interpréter dans un sens orthodoxe partout où la chose était praticable, sans hésiter à les combattre et à les condamner sur les points où le désaccord ne pouvait pas être déguisé. Leurs ouvrages, particulièrement ceux de saint Thomas, qui ont acquis dans l’Église une autorité souveraine, officiellement consacrée aujourd’hui, peuvent donc être considérés comme l’équivalent de la correction promise….

Saint Thomas, contesté, combattu, réfuté peut-être jadis par des génies égaux, sinon supérieurs au sien, n’en reste pas moins aujourd’hui le représentant de toute l’École. Rappelons en peu de mots les points principaux de sa philosophie.

Et d’abord, dans la manière dont il conçoit le but de la vie, Thomas est franchement grec, disciple d’Aristote et de Platon. Saint Paul écrit : « Quand je connaîtrais tous les mystères de la science de toutes choses, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien ». Saint Jean nous enseigne que Dieu est amour, et Jésus dit à ses disciples : « Soyez mes imitateurs ». La tendance du christianisme est toute pratique ; son idéal est la perfection de sa volonté ; il n’y a pour lui rien au delà. Pour saint Thomas, il y a quelque chose au delà. Ne se résumant pas sur Dieu, il ne dit pas que Dieu s’absorbe dans la science de lui-même ; il ne le croit probablement pas, mais la logique l’obligerait à l’avouer, car sa notion du souverain bien est purement intellectuelle : c’est la connaissance de Dieu, l’intuition parfaite de Dieu, que la théologie désigne sous le nom de vision béatifique : « Naturaliter inest omnibus hominibus desiderium cognoscere causas ;