Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/512

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port et traduisait avec zèle nos chansons de geste, nos romans, nos lais. Nous retrouvons avec surprise, dans des versions qui, pour la plupart, sont antérieures au milieu du XIIIe siècle, une bonne partie du cycle de Charlemagne, et Tristan, et Érec, et Ivain, et les charmants récits de Marie de France. J’ai parlé plus haut de la littérature anglaise ; la langue celtique elle-même reproduisit, dans des traductions qu’on commence à peine à connaître, nos poèmes carolingiens et plusieurs autres des productions de notre XIIe siècle. Si vous parcourez encore aujourd’hui les librairies populaires de l’Espagne, de l’Italie, de l’Allemagne, de la Hollande, du Danemark, de l’Islande même, vous trouverez partout, imprimés en gros caractères sur papier gris, les livres qui composent notre bibliothèque bleue, dernier asile, chez nous aussi, de la littérature du XIIe siècle. Quelle sève extraordinaire y avait-il donc dans cette végétation littéraire de la vieille France pour que sa vitalité ne soit pas encore éteinte dans les nombreux rejetons qu’elle a lancés de toutes parts !

Partout d’ailleurs où la littérature française a été implantée, elle a suscité ou fécondé la littérature nationale. On peut comparer notre ancienne poésie à ces arbres étonnants qui croissent dans l’Inde, et dont les rameaux, recourbés au loin, atteignent la terre, s’y enracinent et deviennent des arbres à leur tour. Comme un figuier des Banyans produit une forêt, ainsi la poésie française a vu peu à peu l’Europe chrétienne se couvrir autour d’elle d’une merveilleuse frondaison : la souche première était cette grande littérature du XIIe siècle dont nous devrions être si fiers et que nous connaissons si peu….

G. PARIS, La poésie du moyen âge, 2e série, Paris, Hachette, 1895, in-16.