Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/514

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Il appartenait au règne de saint Louis de donner à notre pays une Bible française complète. C’est dans l’Université de Paris que fut faite, peu avant l’an 1250, la version française par excellence des Livres saints. Je ne veux pas dire que l’Université ait pris une part officielle à cette œuvre de traduction ; mais c’est dans les ateliers des libraires qui en étaient citoyens, sur un texte latin corrigé par ses maîtres, que la Bible a été, pour la première fois, traduite en entier en français. Cette version parisienne acquit bientôt une telle faveur qu’il fut dès lors impossible d’en faire accepter une autre. D’autre part, elle s’était, dès les premières années du XIVe siècle, étroitement unie à l’intéressante Histoire sainte de Guyart Desmoulins, si bien que la Bible historiale qui circule sous le nom du chanoine picard n’est, en réalité, pour les deux tiers, qu’un simple extrait de la version parisienne.

Ainsi complétée, la Bible historiale a joui, pendant le XIVe et le XVe siècle, d’un succès sans égal. Il n’est presque pas un château de grande famille, en France et dans les pays voisins, où n’ait figuré quelqu’un de ces précieux manuscrits, qu’enrichissaient des miniatures de toute beauté. Mais il est peu probable qu’un seul de ces splendides volumes ait jamais pénétré jusqu’au peuple ou jusqu’au bas clergé. Aussi, depuis que la Bible française était devenue un objet de luxe, l’Église cessa-t-elle de s’en émouvoir, le peuple n’ayant plus le moyen de la lire.

Les rois et les reines de France, les princes et les princesses du sang royal ont, depuis l’avènement des Valois, porté à la traduction de la bible le plus vif intérêt. Le roi Jean en avait fait entreprendre à grands frais une traduction qui promettait d’être excellente. La bataille de Poitiers interrompit cette œuvre. Charles V demanda à Raoul de Presles une version nouvelle ; mais le traducteur du roi a imité l’ancienne Bible française sans l’améliorer. Jusqu’à Charles VIII et à François Ier, jusqu’à Anne de Bretagne et à Marguerite d’Angoulême, la traduction de la Bible n’a pas cessé d’être à cœur à la famille royale ; mais, au XIVe et au XVe siècle, il y avait si loin des princes au peuple, la religion de la cour était si étrangère à la piété des simples gens,