Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/79

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tieux personnage, que le bienheureux saint Julien mange du bélier ? » Lui aussi fut brûlé par la fièvre, au point que l’eau dont il se faisait inonder devenait vapeur au contact de son corps. Malheur enfin à qui n’obéit pas aux commandements de l’Église ! Un paysan qui se rendait à l’office aperçoit un troupeau qui ravage son champ : « Hélas ! dit-il, voilà perdu mon labeur de toute une année ! » Et il prend une hache ; mais c’était dimanche ; la main qui violait la loi du repos dominical se contracte et demeure fermée, tenant toujours la hache ; il fallut, pour l’ouvrir, un miracle obtenu à force de larmes et de prières.

Toujours dans les récits de Grégoire éclate la puissance des saints, propice aux bons et redoutable aux méchants : il est le grand pontife du culte des bienheureux. Il a employé une bonne partie de son existence tourmentée par tant de soins à célébrer leur gloire. Laborieux écrivain, il gardait à portée de la main son Histoire des Francs, qui est son œuvre principale et un des plus curieux monuments de l’histoire de la civilisation, mais sur sa table de travail se trouvait toujours quelque manuscrit commencé, où il déroulait une inépuisable série de miracles : miracles de saint Martin, miracles de saint Julien, miracles des Pères. Il avait une vénération particulière pour saint Martin, dont il était le successeur sur le siège de Tours. Dans la naïveté de son zèle pour la gloire de ce privilège, il cherche à le pousser aux premiers rangs de la hiérarchie céleste. Il ne veut pas qu’il soit inférieur aux apôtres ni aux martyrs, et, pour l’égaler aux plus grands témoins de la foi, il ruse avec les mots : si le bienheureux n’a pas vécu au temps des apôtres, il a eu du moins la grâce apostolique ; s’il n’est point mort dans les tourments, il a été « martyr par les embûches secrètes qu’on lui a tendues et par les injures publiques qu’il a essuyées ». Au reste, la renommée de saint Martin a rempli le monde entier ; déjà Sulpice Sévère a écrit une histoire de sa prédication et de ses miracles ; Grégoire la continue, ajoutant les chapitres aux chapitres à mesure que les miracles s’ajoutaient aux miracles. C’est du tombeau sacré dont il est le gardien que l’évêque de Tours considère le monde ; son Histoire des Francs est précédée, à la façon des