Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/90

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qu’ils y fissent pénitence ; mais aussitôt son fils est tombé malade et ses serviteurs l’ont supplié de mettre les deux évêques en liberté, de peur que l’enfant ne vînt à périr : « Relâchez-les, s’est-il écrié, afin qu’ils prient pour mes petits enfants ! » Pourtant il savait bien que ses prisonniers étaient des bandits, mais il redoutait le caractère sacré dont ils étaient revêtus ; il ressentait cette sorte de terreur inspirée par les prêtres de tous les temps aux gens simples de tous les pays. Et c’est avec ces superstitions, ces simagrées et ces niaiseries que Gontran passe pour bon chrétien, prêtre et saint !

Pourquoi donc ces hommes n’étaient-ils pas des chrétiens ?… Les Mérovingiens n’ont pas été des chrétiens parce que l’Église gallo-franque n’était plus capable de transmettre le christianisme. Enfermée dans cette orthodoxie littérale dont les termes sont arrêtés à jamais, à la fois ignorante et sûre d’elle-même, elle ne sait plus pénétrer dans l’âme d’un païen, l’étudier, y analyser les croyances et les sentiments religieux, trouver le point de départ d’une prédication et approprier son enseignement, comme avaient fait jadis les chrétiens philosophes, à l’état des intelligences et des cœurs. Que fallait-il faire pour transformer Clovis en un chrétien ? il fallait retrouver la notion du Dieu suprême dans la religion germanique parmi la foule des génies et au-dessus des grandes figures qui représentaient les idées de l’amour, de la fécondité de la terre et de la puissance du soleil ; insister sur le sentiment germanique de la fragilité de cette vie placée entre le jour et la nuit ; employer les mythes populaires de dieux qui ont vécu parmi les hommes ; partir d’Odin pour arriver au Christ, et préparer ainsi un guerrier fils de guerriers et fils de dieux, un superbe qui n’aimait que la force, un violent qui ne savait que haïr et pour qui le droit de vengeance était une institution réglée, à incliner sa tête devant le Dieu qui a voulu naître parmi les misérables et mourir d’une mort ignominieuse, afin d’enseigner aux hommes, par l’exemple de sa charité envers l’humanité, le devoir d’être charitables les uns envers les autres. Proposer à Clovis le christianisme, c’était lui demander la transformation de tout son être. Or, si l’on en croit Grégoire de Tours, lorsque Clovis hésitait