Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/193

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suivent une règle invariable : une observation isolée n’entre pas dans la science, on la cite (avec le nom de l’observateur), mais sans conclure. Les historiens n’ont aucun motif avouable de procéder autrement. Quand ils n’ont pour établir un fait que l’affirmation d’un seul homme, si honnête qu’il soit, ils devraient, non pas affirmer le fait, mais seulement, comme font les naturalistes, mentionner le renseignement (Thucydide affirme, César dit que) : c’est tout ce qu’ils ont le droit d’assurer. En fait, tous ont gardé l’habitude, comme au moyen âge, d’affirmer d’après l’autorité de Thucydide ou de César ; beaucoup poussent la naïveté jusqu’à le dire en propres termes. Ainsi livrés sans frein scientifique à la crédulité naturelle, les historiens en arrivent à admettre, sur la présomption insuffisante d’un document unique, toute affirmation qui se trouve n’être pas contredite par un autre document. De là cette conséquence absurde que l’histoire est plus affirmative et semble mieux constituée dans les périodes inconnues dont il ne reste qu’un seul écrivain que pour les faits connus par des milliers de documents contradictoires. Les guerres médiques connues par le seul Hérodote, les aventures de Frédégonde racontées par le seul Grégoire de Tours sont moins sujettes à discussion que les événements de la Révolution, décrits par des centaines de contemporains. — Pour tirer l’histoire de cette condition honteuse, il faut une révolution dans l’esprit des historiens.

IV. Lorsqu’on a sur le même fait plusieurs affirmations, il arrive ou qu’elles se contredisent ou qu’elles concordent. — Pour être certain qu’elles se contredisent réellement il faut s’assurer qu’elles portent bien sur le même fait : deux affirmations en apparence contradictoires peuvent n’être que parallèles ; elles peu-