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vent ne pas porter exactement sur les mêmes moments, les mêmes lieux, les mêmes personnes, les mêmes épisodes d’un événement, et elles peuvent être exactes toutes deux[1]. Il n’en faut pas conclure pourtant qu’elles se confirment ; chacune rentre dans la catégorie des affirmations uniques.

Si la contradiction est véritable, c’est que l’une des deux affirmations au moins est fausse. Une tendance naturelle à la conciliation pousse alors à chercher un compromis, à prendre un moyen terme. Cet esprit conciliant est l’opposé de l’esprit scientifique. Si l’un dit 2 et 2 font 4, l’autre 2 et 2 font 5, on ne doit pas dire 2 et 2 font 4 1/2 ; on doit examiner lequel des deux a raison. C’est l’office de la critique. Presque toujours, de ces affirmations contradictoires une au moins est suspecte ; il faut l’écarter si l’autre, en conflit avec elle, est très probable. Si l’autre est suspecte aussi, on doit s’abstenir de conclure ; de même, si plusieurs affirmations suspectes concordent contre une seule non suspecte[2].

V. Quand plusieurs affirmations concordent il faut encore résister à la tendance naturelle à croire que le fait est démontré. Le premier mouvement est de compter tout document pour une source de renseignement. On sait bien dans la vie réelle que les hommes sont sujets à se copier les uns les autres, qu’un seul récit sert souvent à plusieurs narrateurs, qu’il arrive à plusieurs

  1. Ce cas est étudié avec un bon exemple par Bernheim, o. c., p. 421.
  2. Il est à peine besoin de mettre en garde contre le procédé enfantin qui consiste à compter le nombre des documents dans chaque sens pour décider à la majorité ; l’affirmation d’un seul auteur, renseigné sur un fait, est évidemment supérieure à cent affirmations de gens qui n’en savent rien. La règle est formulée depuis longtemps : Non numerentur, sed ponderentur.