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Page:Lanne - Le Mystère de Quiberon, 1904.djvu/13

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ces mouvements subitement arrêtés, de ces retraites sans motifs, de ces incohérences militaires à la suite desquelles l’armée se décourage et du terrain resté irrémédiablement perdu ?

Le secret se découvre dans l’examen de cette campagne de Quiberon, désolée et si bien faite pour la mort qu’elle affecte l’aspect d’un cimetière. À droite et à gauche, battue par la mer qui, dans son calme même, garde de la menace, sur quatorze kilomètres de long, sur quatre de large, la grande lande de la pointe de Quiberon pousse dans les flots ses sables vert-de-grisés de plantes indigentes, ses villages maigres, et s’embaume au soleil, l’été, du parfum méprisé des œillets sauvages.

Au milieu des œillets, et comme les protégeant d’une ombre paternelle, les chardons fleurissent, hérissés et tout bleus. Les escargots s’y réfugient, envahissent les feuilles et leur donnent l’aspect d’une arborescence de pierre. Sur un monticule, taupinée qui, là-bas, prend des airs de montagne, des fruits rouges, espèces de groseilles inconnues, se traînent au travers de l’herbe métallique et dure à la dent des bestiaux. Il y a du sang sur cette terre, et l’on dirait que, par les beaux jours, le sang se montre en fleurs inquiétantes, au ras du sol.

Montons à la cote 30 sur la carte de l’État-Major, atteignons la suprême éminence de ce pays nu. Là, près du sémaphore, d’un seul regard, au milieu du vent qui siffle dans la plaine sans ombre, arrache aux cailloutis des murs une poussière agressive qui vole, pique les yeux et provoque les larmes ; là, par dessus les murs