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MÉCANIQUE CÉLESTE.

aux deux tiers de l’intervalle du maximum des hautes mers au minimum des basses mers, ce qui n’est pas exact, par les considérations suivantes. L’expression des actions du Soleil et de la Lune, développée en cosinus d’angles proportionnels au temps, est formée de deux parties, l’une indépendante du mouvement de rotation de la Terre, l’autre dépendante de ce mouvement. La première partie n’élève pas, à Brest, la mer d’un tiers de mètre au-dessus de sa surface d’équilibre. Elle n’est point sensiblement modifiée par les circonstances accessoires. L’autre partie, considérablement augmentée par ces circonstances, élève la mer autant au-dessus de sa surface d’équilibre qu’elle l’abaisse au-dessous. C’est donc à fort peu près au milieu de l’intervalle de la plus haute à la plus basse mer que le point dont il s’agit doit être placé.

Euler, dans sa pièce, conçoit d’abord, ainsi que Newton et Daniel Bernoulli, la mer en équilibre sous l’action du Soleil. Il détermine la figure qu’elle doit prendre pour être en équilibre par la condition que la force dont chaque molécule est animée soit perpendiculaire à cette surface. En n’ayant point égard à l’attraction mutuelle des molécules de la mer, ce qui simplifie beaucoup le problème, il trouve une figure elliptique dont l’extrémité du grand axe, dirigé vers le Soleil, s’élève au-dessus de la surface d’équilibre de la mer non soumise à l’action du Soleil d’une quantité égale à la masse du Soleil divisée par le cube de sa distance au centre de la Terre, la masse de cette planète et son rayon étant pris pour unité. Ce résultat n’est qu’environ le quart de celui de Newton. Euler en conclut que la méthode de Newton est erronée et que ce grand géomètre n’a pas même touché la question. Mais le peu d’accord de leurs résultats provient de ces deux causes : l’une que Newton donne la différence des deux demi-axes du sphéroïde aqueux ou la hauteur de la pleine mer au-dessus de la basse mer, tandis qu’Euler ne donne que la hauteur de la pleine mer au-dessus de sa surface d’équilibre, hauteur qui n’est que les deux tiers de la première ; la seconde cause est l’attraction mutuelle des molécules de la mer, que Newton suppose de même densité que la Terre et qui aug-