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LIVRE XIV

entre ces mouvements, et que l’attraction de la Terre a établi et maintient constamment entre eux une rigoureuse égalité. Newton n’a point considéré cet effet de l’attraction terrestre, qu’il aurait pu cependant reconnaître par un de ces concepts au moyen desquels il a souvent suppléé à l’état d’imperfection où était de son temps l’analyse de l’infini pour arriver à des résultats que cette analyse perfectionnée a confirmés et généralisés. Concevons que l’on transporte à chaque instant le mouvement du centre de gravité de la Lune à toutes ses parties et à la Terre ; ce centre sera immobile et la Terre tournera autour de lui avec une vitesse angulaire que nous supposerons uniforme. Donnons au sphéroïde lunaire un mouvement moyen angulaire de rotation égal à cette vitesse. Si son grand axe eût été à l’origine sur le rayon mobile qui joint les centres de la Lune et de la Terre, et qu’au premier instant il l’eût exactement suivi, il ne s’en serait jamais écarté. Mais, s’il y avait eu au premier instant une très-petite différence entre les vitesses angulaires du rayon vecteur et de l’axe du sphéroïde, ces deux lignes se seraient successivement écartées l’une de l’autre ; mais, à cause de l’extrême petitesse que nous supposons à cette différence, l’attraction terrestre, tendant sans cesse à ramener l’axe sur le rayon, aurait fini par la diminuer. On voit a priori, et un calcul fort simple prouve que l’axe doit alors osciller sans cesse de part et d’autre du rayon vecteur, dans des limites d’autant plus rapprochées que la différence primitive des vitesses de l’axe et du rayon aura été plus petite. La vitesse angulaire de rotation du grand axe ou de la Lune variera donc sans cesse ; sa valeur moyenne sera la vitesse moyenne angulaire de révolution de la Lune, dont elle a pu différer primitivement d’une quantité arbitraire mais extrêmement petite, ce qui fait disparaître l’invraisemblance infinie d’une égalité rigoureuse à l’origine.

D’Alembert appliqua ses formules de la précession des équinoxes à la libration de la Lune. Mais ce grand géomètre, qui avait si bien senti l’influence de la rapidité du mouvement de rotation de la Terre sur les mouvements de nutation et de précession de son équateur, ne fit pas attention aux changements que la lenteur du mouvement de rotation