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poèmes civiques.

Et Philomèle aussi, d’une voix attendrie,
Entonne sur l’ormeau : « Nourris par la patrie. »
Le hussard-vaudeville a poussé des hourras ;
Le roman-voltigeur s’avance l’arme au bras.
Artilleur à cheval et muni de fusées,
Le feuilleton pétille et s’échappe en risées.
Et les Premiers-Paris, gros canonniers du camp,
Font feu sur le Kremlin et sur le Vatican.
L’historien-sapeur, lavant le linge sale,
Médite un coup de hache aux vaincus de Pharsale.
La carabine en main, de tous les trous sortis,
Les chroniqueurs font feu sur les anciens partis,
Et la Philosophie, en muse qui s’observe,
Forme des cuirassiers la prudente réserve.
Tout est prêt ; on attend la voix qui dit : «Allons !… »
Et tout doit manœuvrer comme au camp de Châlons.


Partez ! J’entends la voix du critique avant-garde,
Balayant les abords et traînant sa bombarde,
Et nous invitant tous, prosateurs et rimeurs,
Pour gagner du terrain à démolir les mœurs.
Place aux Muses d’État ! et brisons les obstacles.
Il faut aux braves gens du pain et des spectacles.
Mais, vraiment, les beaux-arts, dans leur nouvel essor,
Par la morale et Dieu sont entravés encor :
Supprimons Dieu, poète, et que ton œuvre entière
Chante, sur tous les tons, un hymne à la matière.


Le réel avant tout… Fi du vieil idéal !
Donnez à vos romans une odeur d’hôpital ;
Faites-en des charniers peuplés de bêtes fauves ;
Allez fouiller du nez dans toutes les alcôves ;