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les muses d’état.

Peignez-nous chaque ulcère et chaque exploit galant,
Comme dit le critique, en « style truculent » ;
Et, pour féconder l’art, dans ce nouveau domaine,
Traînez tout le fumier de la nature humaine.


À vous, heureux auteurs, les croix, les missions,
Les succès consacrés par vingt éditions ;
Et dans le Moniteur, en six longues colonnes,
Le Causeur du lundi vous tressant des couronnes ;
Qui sait même ? à l’école, où se font nos penseurs,
Enseignant ce beau style aux futurs professeurs.


Que si, légers de plume et d’humeur militante.
De Voltaire enterré la défroque vous tente,
Aux princes, comme lui, tournez le compliment ;
Il vous sera permis de penser librement.
Vous pourrez vous donner, à l’abri des poursuites,
Le plaisir toujours neuf de la chasse aux jésuites,
Et dire avec fierté, sans cacher votre jeu,
À César qu’il est pape, au peuple qu’il est Dieu.


Noble temps, et sur qui mon vers ne saurait mordre,
Où la plume demande au sabre son mot d’ordre ;
Où les canons rayés vomissent des pamphlets ;
Où l’on fait souffleter son Dieu par ses valets ;
Où les proscrits, tous ceux qu’une injure aiguillonne,
Sont insultés encore après qu’on les bâillonne ;
Où le joug est nié par qui s’attelle au char ;
Où l’on se croit tribun, quand on n’est que mouchard !


Allons, gladiateurs, armés de l’écritoire,
Au cirque !… Non, j’ai tort, je veux dire à la foire,