Page:Laprade - Œuvres poétiques, Poèmes civiques, 1879.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
poèmes civiques.

Histrions ! le licteur vous défend des sifflets.
Gagés par le préteur, applaudis des valets,
Dites, en vous rangeant chacun par rang de taille :
« César, sois salué par ceux qui font ripaille ! »
Gambadez maintenant et donnez de la voix ;
Tirez vos mirlitons et vos sabres de bois ;
Et rabâchez encore à la foule attroupée
Votre vieux mélodrame en singeant l’épopée,
Et l’Europe, et la dîme, et les droits féodaux,
Et les rois essuyant vos pieds de leurs bandeaux ;
La gloire et la victoire, et plus d’aristocrates ;
Égalité…… Mais tout pour les gens sans cravates ;
Plus de bavards, et place aux muets travailleurs ;
À nous l’Escaut, le Rhin… — J’en passe et des meilleurs.
Poussez ferme, poussez ! bientôt vos adversaires
N’auront plus de journal, d’imprimeur, de libraires…
Faute de combattants, le combat est fini,
Et vous êtes vainqueurs… comme chez Franconi.


Or, maintenant, faisons, pour nous calmer la bile,
Le tour de l’assemblée et tendons la sébile.
D’abord nous commençons par monsieur le préfet,
L’homme créé du ciel pour être satisfait :
« Bien ! très bien !» dit la voix auguste et circonspecte.
Voici le bon quart d’heure ; oh ! quelle ample collecte !
Des rouleaux, des billets, des croix et des galons,
Une épée en verrouil qui vous bat les talons,
Jusqu’à des parchemins et des manteaux d’hermine,
Si le nom sonne bien, si l’on a bonne mine :
Et, parfois, — respectons, Muses, de tels cadeaux —
Quelques gros sous, tribut des honnêtes badauds.