Page:Laprade - Les Voix du silence, 1865.djvu/150

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Dès qu’un instant, le bras se reposait vainqueur,
D’autres plus grands périls venaient tenter le cœur :
Le monde est tout fleuri de ces dangers qu’on aime ;
Il faut, à chaque pas, percer un stratagème,
Du fruit le plus vermeil repousser le poison,
Et du lis le plus blanc la noire trahison.
Des belles aux bras nus, formant un joyeux groupe,
L’enlaçaient dans la ronde et lui tendaient la coupe.
D’insidieux festins, sous des rosiers servis,
S’offraient à tous les sens du même coup ravis.
L’insecte aux feux impurs le piquait sous le frêne.
Tout arbre a sa dryade et tout flot sa sirène ;
Sur tous les lacs, émus du bruit des instruments,
On voit, de chaque rive, en des lointains charmants,
Briller la harpe d’or entre deux seins de neige.
Jusqu’aux nids des ramiers qui vous dressent leur piège.
On boit dans l’air des soifs qu’on ne peut apaiser,
Et tout ce qu’on écoute a le son d’un baiser.