Page:Laprade - Les Voix du silence, 1865.djvu/277

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Que sa volonté même et sa fierté d’airain.
C’est ainsi qu’il vivait, sans esclave et sans maître,
Ses chênes étant morts, il s’abritait du hêtre ;
Préférant son feuillage à nos toits odieux,
Et l’antique nature à tous les nouveaux dieux.

Je l’ai connu ; j’ai bu l’eau des mêmes fontaines.
Je l’eus pour premier guide en mes courses lointaines,
Quand cette étrange soif qui s’apaise aujourd’hui
Au fond des bois sacrés m’entraînait comme lui.
Je l’y trouvai dans l’ombre- ; il me vit sans colère ;
Dans sa coupe d’érable il m’abreuvait en frère ;
Sous ses arbres divins il me laissait dormir ;
Je l’écoutais tonner, il m’écoutait gémir.
Sur mon front où la neige en tombant les efface
Avait-il démêlé quelques traits de sa race ?
Je ne sais ! Il m’aimait ; nous tenions des conseils ;
Nous avions une haine et des mépris pareils.