Page:Laprade - Les Voix du silence, 1865.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


J’y suspendais encor de nocturnes trophées
Aux patrons des taureaux, aux esprits familiers ;
Les anges s’y mêlaient au cortège des fées,
J’avais, dans mon désert, des amis par milliers.

De ces hôtes chéris la terre est dépeuplée ;
Et mes vieux compagnons chassés de leurs travaux,
Mes bœufs humiliés tremblent dans la vallée :
Tout cède, hommes et dieux, à ces démons nouveaux.

Dans le sillon banal je ne veux pas les suivre ;
Je sais qu’on les adore et je vois qu’ils sont forts ;
Je renonce à lutter, mais je renonce à vivre…
Il est temps de mourir, puisque mes dieux sont morts.

Je refuse à jamais un autre dieu pour maître.
Ils profanent en vain le sol que je défends ;