Page:Laprade - Les Voix du silence, 1865.djvu/46

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Ta muse a des fiertés ; tu n’as que des faiblesses ;
Ose encor nous prêcher des dieux que tu délaisses
Et prétendre aux sommets du fond de ta langueur,
Et colorer tes vers d’une fausse vigueur !
Honte au mol histrion, au poëte frivole,
Dont toute la vertu se dissipe en parole ;
Qui s’exalte en son livre et qui s’abaisse ailleurs,
Et qui ne vaut pas mieux que ses vers les meilleurs !

On t’a dit que notre art, pareil à l’art des femmes,
Est chargé d’assoupir et d’enchaîner les âmes,
D’étouffer sous des fleurs les courroux généreux
Et d’orner les loisirs et l’ennui des heureux.
La perle, assurent-ils, naît d’une maladie,
Et c’est des cœurs malsains que sort la mélodie ;
Et pour eux le chanteur est le plus accompli
Qui sait mieux leur verser la folie et l’oubli.
Ah ! s’il faut qu’un poison coule au lieu d’un remède