Page:Laprade - Les Voix du silence, 1865.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

De la source où buvaient Rodrigue et Nicomède,
Si vous rabaissez tous au métier qui prévaut
Cet art sacré des vers que j’ai porté si haut…
Comme des tréteaux vils sous une danse obscène
Croulent ces blocs d’airain dont j’ai fait votre scène,
Et ce mâle français qu’on ne veut plus savoir,
Langue de la raison, de l’honneur, du devoir !
Toi, retiens ce conseil de notre tête-à-tête :
On n’est qu’un baladin et non pas un poète,
Quand, des grâces d’un vers gémissant ou moqueur,
On a charmé l’esprit sans agrandir le cœur ;
Quand, plus haut dans la force et vers le bien qu’on aime,
On n’a pas emporté ses lecteurs et soi-même ;
Quand jamais on n’osa, tout seul, en plein soleil,
De la vigueur d’un acte appuyer le conseil.

Je le sais, une vie, une vertu sans tache,
Plus qu’un poëme, hélas ! sont une lourde tâche !