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PIERRE LASSERRE

« Vous prêtez… finement vos qualités aux autres ! » Dans la Revue Bleue du 1er novembre 1891, M. de Wyzewa a publié un article sur Nietzsche, le dernier métaphysicien allemand. Voilà une erreur : la pensée de Nietzsche tend à dissoudre toute métaphysique. Je m’empresse d’ajouter que ce n’est pas, comme il est arrivé trop de fois, à Kant entre autres, par des arguments qui font ou qui laissent passer une nouvelle métaphysique. Selon Nietzsche, ce sont précisément les métaphysiciens qui, par leur labeur à construire un monde idéal et leur zèle à y faire croire, montrent tout ce qu’il peut y avoir au cœur de l’homme de crainte et de méfiance du réel et donnent l’exemple le plus certain, mais d’ailleurs le plus hypocrite, du nihilisme. En fait, l’auteur de Zarathustra est beaucoup plus voisin de La Rochefoucauld et de Stendhal que de Hegel. M. de Wyzewa simplifie en ces termes la philosophie de Nietzsche : « Au commencement était le non-sens et le non-sens venait de Dieu et le non-sens fut Dieu. » Ce résumé ne s’accorde guère avec la grande estime que M. de Wyzewa professe pour les opinions littéraires de Nietzsche, « tout à fait contraires, dit-il, au génie allemand et conformes au génie français ». Il a connu Nietzsche à Bayreuth et l’impression qui lui en est restée est celle d’un « étrange personnage » — d’un « chat de gouttières ». — Mais il sera beaucoup pardonné à M. de Wyzewa à cause de cette phrase : « J’ai trouvé dans