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NOUVELLE PRÉFACE

L’idée d’anarchisme est une de ces idées trop étendues, trop compréhensives, qui se prêtent à des interprétations diverses et dont on ne saurait faire usage sans les définir et les limiter. On verra dans quel sens il convient à Nietzsche de la prendre et l’on renoncera à le quereller, comme à quereller son interprète, sur le mot lui-même. La question est de savoir si les choses désignées par ce mot sont expliquées clairement et avec vérité, si elles sont rapprochées les unes des autres, et soumises à la même définition en vertu de rapports et de ressemblances réelles, si l’analyse qui en est proposée est exacte.

Ce qu’on peut dire, d’une manière générale de l’anarchisme, c’est qu’il est la confiance en la nature sans règle. Tenir la règle pour mauvaise comme règle, en quelque ordre des choses humaines que ce soit, voilà l’esprit anarchique. La doctrine affichée par les romantiques, d’après laquelle les règles traditionnelles des arts ne seraient que des conventions bonnes à étouffer le génie et à comprimer l’individualité, mérite absolument ce rude qualificatif. Il convient à toute philosophie politique ou sociale qui, pour juger de la légitimité des institutions publiques, adopte, je ne dirai pas comme un des points de vue où il faut se placer,