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PIERRE LASSERRE

C’est par une application du même principe, que l’on ne consent pas à regarder dans les travaux de l’esprit, l’inspiration et la règle comme deux forces de sens contraires qui, de leur propre mouvement, ne tendraient qu’à se diminuer l’une l’autre. Il n’y a qu’une inspiration pleine et vigoureuse qui puisse s’égaler aux exigences de la règle et elle y parvient, non en comprimant son souffle, mais en se donnant un souffle de plus. La règle exprime et pose des conditions d’ampleur, de puissance, d’harmonie. Elle ne gêne que l’artiste ou l’écrivain faible, incapable de remplir la carrière qu’elle lui trace. En définitive, la critique dont je parle a arraché à l’anarchie les prestiges de beauté et de vitalité dont elle se paraît faussement et qu’une certaine badauderie intellectuelle lui accordait, pour faire passer ces titres du côté de l’ordre. Elle montre dans l’anarchie le fond de misère, de pauvreté ou, comme disent, les théologiens, de déficience essentielle.

Voilà le point sur lequel elle a rencontré le concours de Nietzsche. Psychologie, et pathologie minutieusement fouillée des tendances anarchistes, voilà ce qu’il nous propose, voilà le point où nous paraît utile à entendre.