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PIERRE LASSERRE

Jésus comme un malade et sa thèse a beaucoup d’analogie avec celle que soutenait Jules Soury dans un livre paru vers 1875, et qui n’éclipsa pas, malgré le grand talent de l’écrivain, la Vie de Jésus, de Renan. Il ne peut y avoir pour les chrétiens de plus scandaleuse injure ; on conçoit leur zèle à la flétrir. Cependant, celui qui s’en est rendu coupable peut avoir traité avec une sagesse acceptable pour eux d’autres questions. Tout le monde l’admet pour Voltaire ; certains l’admettent pour Jules Soury. Pourquoi ne l’admettrait-on pas pour Nietzsche ? Il a écrit des centaines de pages de critique littéraire, par exemple, qui sont d’ailleurs merveilleuses et, qu’à quelques nuances près, des esprits animés de tendances religieuses fort opposées aux siennes pourraient signer.

Ce qui achève de légitimer et de conseiller cette séparation, dont le principe est indiscutable en soi, c’est que la haine du christianisme tient certainement chez Nietzsche à un côté maladif de l’esprit.

En thèse générale, je ne crois pas que cette passion de haine contre le christianisme soit la marque d’un esprit tout à fait maître de lui-même. Il me semble qu’elle implique une grosse part de méprise sur la nature de l’objet haï et qu’elle le