Page:Laveleye - Les Nibelungen.djvu/16

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comme vassaux des trois rois. Ceux-ci avaient encore à leur service beaucoup de héros que je ne puis nommer.

Dancwart était maréchal. Son neveu, Ortwîn de Metz, était sommelier du Roi. Sindolt, le guerrier choisi, était échanson, Hûnolt, camérier ; ils étaient dignes de remplir les emplois les plus élevés.

En vérité, nul ne pourrait redire jusqu’au bout la puissance de cette cour, l’étendue de ses forces, sa haute dignité et l’éclat de la chevalerie qui servit ses chefs avec joie pendant toute leur vie.

Et voilà que Kriemhilt rêva. Elle vit le faucon sauvage, qu’elle avait élevé pendant tant de jours, étranglé par deux aigles, et jamais rien en ce monde ne pouvait lui causer plus de douleur.

Lorsqu’elle dit son rêve à sa mère Uote, celle-ci ne put l’expliquer à la douce jeune fille autrement qu’ainsi : « Le faucon que tu élevais est un noble époux, que tu dois bientôt perdre, si Dieu ne te le conserve. »

— « Que me parles-tu d’un époux, ma mère bien-aimée ? Sans amour de guerrier toujours je veux vivre, afin qu’à cause d’un homme nulle souffrance ne m’atteigne. Ainsi je resterai belle jusqu’à ma mort. »

— « N’en jure pas si vite, reprit sa mère ; si en ce monde tu es jamais heureuse de cœur, cela te viendra par l’amour d’un époux. Tu deviens une belle femme ; que Dieu t’unisse à un vrai et bon chevalier. »

— « Oh ! ma mère, répondit-elle, laisse-là ce discours ; on a pu voir très souvent et par l’exemple de maintes femmes, que la souffrance est à la fin la suite de l’amour. Je les éviterai tous deux ; ainsi il ne pourra jamais m’arriver malheur. »