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les épis

La moisson serait bonne. Enfin on pourrait vivre,
Si les champs évitaient la morsure du givre.
Il s’éveillait encor d’aimables floraisons,
Dont le rustique arôme enivrait les maisons.
Ô doux parfums des prés en fleurs ! ô tiède brise !
Ombre des rameaux, chants d’oiseaux que l’amour grise,
Ce que vous étiez là, vous l’êtes en tout lieu :
Une aumône du ciel, un sourire de Dieu.

À l’approche du soir, un jour, dans les cieux calmes
Où s’épanouissaient, comme un faisceau de palmes,
Les rayons du soleil, un point se fit obscur.
Quelque souffle jaloux, en traversant l’azur,
Avait peut-être éteint un foyer de lumière…
Bientôt le point devint nuage. La fermière,
Pour voir moins le danger, ferma les contrevents.
Craignant pour la moisson le rude fouet des vents,
Les hommes regardaient la tache grandissante.
Ils la virent soudain, d’une lourde descente,
Avec un grondement comme celui des mers,
Avec dans ses flancs noirs des tons glauques et verts,
S’abattre jusqu’au loin dans les blés. Et sans nombre
Tomberaient les épis sous cette vague sombre !…

Or, la cloche sonna dans le petit clocher,
Et vers la vieille église, au pied du grand rocher,