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le jour des morts

Sous l’humble croix sans nom ? Qui sait ? Prions quand même
La prière souvent détourne l’anathème.
Prions pour l’ouvrier qui maudit son labeur ;
Prions pour le bourgeois qui trouva son bonheur
Dans les vins de la table ou les baisers d’alcôve ;
Pour celui qu’éblouit le reflet de l’or fauve ;
Pour celui qui ferma son aile à tout essor ;
Pour la vieillesse lente à se soumettre au sort,
La jeunesse fauchée en son efflorescence.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Prions pour tous. Qui sait où trouver l’innocence ?


Quand l’astre où nous vivons sera frappé de mort,
Quand il se brisera comme un verre que mord
La tenaille d’acier dans une main grossière ;
Quand il ne sera plus, mon Dieu, qu’une poussière,
Et qu’il aura quitté le glorieux chemin
Qu’à l’aurore des temps lui traça votre main,
L’homme reparaîtra. Vous voulez qu’il renaisse.
Vous le revêtirez d’une chaste jeunesse,
Que votre éternité ne saurait point flétrir.
La terre qui servit, hommes, à vous pétrir,
Par le souffle divin sera glorifiée.
Notre âme gémissante en vous s’est confiée,