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les épis

Les ruisseaux, en courant à travers les prairies,
Les bois qui déployaient leurs vertes draperies,
Comme pour adoucir l’excès de ses chagrins,
Chantaient, de toute part, d’harmonieux refrains.

Il s’assit, fatigué, sur une large pierre,
Essuya de sa main son humide paupière,
Et plongea son regard jusques à l’horizon,
Comme s’il eut encor cherché l’humble maison
Où, douze hivers plus tôt, le ciel l’avait fait naître.

Or, pendant qu’il songeait, essayant de connaître
Ce qu’en ses splendeurs lui cachait l’avenir,
Il vit un beau vieillard sur la route venir.
Et ce vieillard pleurait.
Et ce vieillard pleurait. Voir pleurer la vieillesse,
Cela surprend l’enfant et confond sa sagesse.
Dans son âme naïve, il croit qu’en ses vieux ans
L’homme plane au-dessus de tous les maux cuisants
Qui, dès les premiers jours, troublent son existence.
S’il savait des douleurs l’extrême persistance,
Il voudrait voir sa tombe auprès de son berceau !
Et le vieillard tenait, réunis en faisceau,
Quelques rameaux de houx tout hérissés d’épines.