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tonkourou


Un voile de vapeur s’éleva de la plage.
Enivré de parfum, le papillon volage
Ferma l’aile et dormit sur le sein d’une fleur.
Les forêts et les champs perdirent leur couleur
Et le ciel vit pâlir sa radieuse teinte.

Dans le silence, alors, comme un métal qui tinte,
Résonna tout à coup un son vibrant et pur.
Et l’orme tressaillit et son feuillage obscur
Frémit comme aux baisers d’une légère brise.
Un rossignol chantait ouvrant son aile grise.

Les échos du rivage et les échos du bois,
Par cette voix divine éveillés à la fois,
Se prirent à chanter comme dans le délire.
Jamais harpe sonore et jamais molle lyre
Ne remplirent le ciel d’accords aussi touchants.
Les amis, tout émus, écoutaient ces doux chants.
Le jeune homme pleurait. Sans parole, sans geste,
Il semblait contempler un spectacle céleste.
L’amour berçait son âme et l’inondait de paix.

L’oubli sombre un instant leva son voile épais.
Comme un coin de ciel bleu dans la blanche percée
Il revit son enfance au hasard dispersée.