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tonkourou

Puis je courus les mers. On m’avait acheté.
Hélas ! notre navire, une nuit, fut jeté,
Dans la brume et le vent, sur des côtes arides.
Au jour, des naturels, horribles sous leurs rides,
Apparurent tout près, au pied d’un noir rocher,
Et, par un geste ami, nous dirent d’approcher.
Maîtres et matelots descendirent à terre.
Un de leur bande, alors, semblable à la panthère
Qui surprend une proie et cherche à s’en nourrir,
Pousse un cri formidable. Et l’on voit accourir
À ce lugubre appel, du sommet de la côte,
Mille sombres guerriers à la stature haute,
Mille guerriers pétris d’on ne sait quels limons,
Sales et les reins nus, pareils à des démons.
Les matelots surpris volent vers leur chaloupe,
Mais ils sont devancés par la sauvage troupe
Qui les massacre tous en hurlant de plaisir.
Je les ai vus, alors, ces barbares, saisir
Des lambeaux tout sanglants de leurs chairs pantelantes
Et puis les dévorer. Des femmes insolentes
Arrivèrent en foule au somptueux festin.
Je devinai bientôt mon horrible destin.

J’entends de nouveaux cris : je tremble, je me cache.
On vient vers ma retraite ; on me prend, on arrache,