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tonkourou

D’une cruelle main, l’habit qui me revêt.
Ô l’affreuse terreur que mon âme éprouvait !

Mais voilà que soudain le chef des cannibales
Fait taire les clameurs, les tambours, les cymbales,
Et se met à parler en me touchant les bras.
Chacun s’approche alors, surpris, dans l’embarras,
Et vient examiner ce noir bariolage.
On m’emmena plus loin, dans un vaste village,
Sur la rive d’un lac. Comme un sauvage enfant
J’escaladais les rocs qu’un brutal soleil fend.
Sur ces terres de feu que le marin redoute
Je serais aujourd’hui mangeur d’hommes, sans doute,
Si nous n’avions pas vu la croix du Dieu Sauveur.
Les apôtres du Christ vinrent, dans leur ferveur,
À ces déshérités donner la loi divine.
L’un de ces hommes bons me voit et me devine.
Il m’interroge. Ô ciel ! il me parle français.
Je tombe dans ses bras et dis ce que je sais.

— Oiseau captif, fit-il, tu rouvriras tes ailes.

En effet, je suis loin de ces rives cruelles.

Le vieux prêtre, pleurant, dit d’une étrange voix :

— Dieu soit béni ! Léon, je t’ai sauvé deux fois.