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tonkourou


Un soir, tout enivré de mes projets heureux,
Je cheminais parmi des senteurs printanières.
Les rameaux ressemblaient à de lourdes bannières
Et les petits oiseaux cherchaient leurs nids de foin.
J’entends un rire frais qui s’égrène non loin.
Mon sang, au même instant, se glace dans mes veines :
J’essaie à m’assurer que mes craintes sont vaines,
Que je deviens jaloux, que cette molle voix
Ne dit peut-être pas ce que moi j’entrevois.
Je voudrais m’arrêter, quelque chose me pousse.
La feuille sous mes pieds rend une plainte douce ;
J’entends gazouiller bas comme si les oiseaux
N’osaient plus confier leurs amours aux roseaux.
Ma tête bourdonnait, mon âme était serrée…
Oui, c’était l’infidèle ! Une lame acérée
M’aurait fait moins de mal, en me perçant le cœur,
Que l’orgueilleux regard de mon rival vainqueur.

Mais elle, cependant, ne perd pas contenance
Et me dit cent raisons dont je n’ai souvenance.
Elle promet m’aimer d’un amour si parfait
Que j’oublie aussitôt l’affront qu’elle me fait.