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tonkourou




Léon avait laissé le bourg de Saint-Eustache
Béni du prêtre saint dont la profonde attache
S’était manifestée avec tant de candeur ;
Il s’était dans les bois encor pleins de verdeur,
Avec cinq canadiens qui partaient pour la traite,
Enfoncé sans regrets. Quelle sombre retraite
Aux hommes agressifs pouvait mieux le cacher ?
Et quelle vie aussi plus propre à détacher
Des profondes amours, des molles habitudes,
Que cette vie active au fond des solitudes ?

Avec ses compagnons dès longtemps enhardis,
Il atteignit enfin ces fleuves engourdis
Qui portent leurs flots noirs dans la mer glaciale.
Le succès était grand, l’amitié cordiale.
Ils croyaient dans vingt jours, protégés d’un Dieu bon,
Vendre leur chasse heureuse au vieux fort de Bourbon.

Ils marchaient à grands pas, à la file, en silence,
Près d’un ravin. Tout à coup une bande s’élance.
Ils n’eurent pas le temps d’épauler leur mousquet ;
Un ennemi rusé soudain les attaquait,