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tonkourou


Et, sur le chaume d’or, les gerbes alignées
Ressemblent à des nefs qui passent éloignées,
À des nuages blancs cloués dans le ciel bleu.
Les blés sont murs. Déjà l’on a dans plus d’un lieu,
Après un dur labeur, fêté la grosse gerbe ;
Mais voici que là-bas, on danse encor sur l’herbe ;
Et voici que j’entends une vive chanson.
C’est le père Lozet qui finit sa moisson !

Seule au milieu du champ, sur la planche uniforme,
Se dresse avec orgueil, comme un panache énorme,
Une gerbe de blé. Ses longs épis tombants
Sont brillamment garnis de fleurs et de rubans,
Et la hart qui la lie est un cordon de soie.
La jeunesse l’entoure avec des cris de joie,
Et puis, prenant bientôt des airs de papillons,
Elle danse en chantant rondes et cotillons.
Les vieillards regrettaient la vigueur de leur jambe.

Ruzard des jeunes gens était le plus ingambe.
S’il n’avait pas reçu de suaves aveux,
Il n’en voyait pas moins le ciel combler ses vœux.
Après la grosse gerbe une plus belle fête
Allait pour lui venir. Une double conquête
De sa persévérance allait être le prix.
Il se trouvait habile et vouait au mépris