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tonkourou


Il dit :
— Regardez-moi ! jouissez de ma honte !
Nul ne savait encor ce que je vous raconte.
J’étais jeune et méchant ; je n’eus pas peur d’oser
Profaner un front pur par un impur baiser.
Je reçus un soufflet. Sans faire de menaces
Je partis courroucé. Nos rages sont tenaces ;
La vengeance est pour nous un plaisir souverain :
Je revis la cruelle, et mon regard serein
Sut lui cacher toujours ma colère farouche.
Elle prit un époux. Le ciel bénit leur couche :
Un adorable enfant vint charmer le foyer ;
C’est lui que j’attendais !…
Puis, l’on vit se ployer,
À ces mots étonnants, les genoux du sauvage ;
L’on vit des pleurs amers inonder son visage.
Il joignit les deux mains et, regardant Lozet :

— Je te le livre donc cet horrible secret !
Je t’ai pris ton enfant !…
Alors, soudain, s’exhale
Une sourde clameur qui fait trembler la salle.
La mère Jean Lozet n’avait plus sa raison ;
Elle courait, hélas ! par toute la maison,
Appelant son cher fils, poussant de tristes plaintes.
Et les filles pleuraient.
Ruzard avait des craintes.