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tonkourou

La brise du levant gonfle ta blanche toile.
Glisse comme au zénith Véga la douce étoile !
Sous ton fier pavillon avance comme un roi !
Je t’aime, ô mon navire, et je n’aime que toi !

Je la verrai bientôt la beauté que j’implore.
Quand elle m’aperçoit son front blanc se colore.
Je la vois chaque nuit passer dans mon sommeil.
Sa bouche est une coupe, un calice vermeil
Où l’époux bien-aimé cueillera l’ambroisie.
Son cœur est comme un lis. Mon amour l’a choisie.
Pour elle je reviens vers vous, bords plantureux,
Et je n’aime plus qu’elle, ô mon navire heureux !

Plein de ces souvenirs qui surgissent en foule,
Ainsi chante Léon. Et, bercé par la houle,
Son vaisseau gracieux monte le Saint-Laurent.
Il porte ses regards sur le flot transparent
Et sur les frais contours des îles éloignées,
Qui semblent des joyaux répandus à poignées.
Il est seul à l’avant, debout, près des pavois.
Les matelots fumaient en admirant sa voix.

Le navire venait de l’Hudson. Tristes, sombres,
Les caps du Labrador défilèrent sans nombres.