Page:LeMay - Tonkourou (nouvelle édition de Les Vengeances), 1888.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
275
tonkourou

Car il serrait Ruzard de ses doigts de tenaille.
Il voudrait remonter ; le tuf de la muraille
Se brise sous ses pieds et roule en murmurant,
De saillie en saillie, au fond du noir torrent.

Sombre, muet, Ruzard que la frayeur atterre
Comme un boyau mordant se cramponne à la terre.
Il n’a fait, l’insensé, son œuvre qu’à demi !…
Il espère pourtant lasser son ennemi.
Mais sous ses doigts crispés la terre s’ouvre et cède !…
Vont-ils tomber tous deux ? S’il appelait de l’aide ?
Non, non, de son forfait il faudrait convenir.
Il accusera l’autre. Oh ! qui donc va venir ?

Il voit là comme un ver le sauvage se tordre ;
Puis il entend son râle. Ah ! s’il pouvait le mordre !
S’il pouvait lui couper ses maudits doigts de fer !
Sa bouche grimaça le rire de l’enfer.
Une froide sueur coulait sur sa figure.
Il voyait, à cent pieds sous lui, la vague obscure
Déchirer son écume aux cailloux anguleux.

Son bras le long du cap retombe musculeux,
Et toujours le huron, agitant son grand torse,
Serre ce bras captif avec rage, avec force.