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tonkourou


Il l’attirait à lui, vers le gouffre fatal.
Comment donc échapper à ce destin brutal ?
Comment ?
Il râle, il grince. Horrible est son angoisse.
Sa main laisse du sang aux plantes qu’elle froisse ;
Sa vigueur l’abandonne ; il se voit entraîné.
Sur le sol nu s’étend un tronc déraciné,
Et jusqu’auprès de lui s’allongent quelques branches.
S’il pouvait les saisir ! Oh ! les écorces blanches
Lui semblent des linceuls qui vont l’envelopper !
Le gouffre rugissant s’ouvre pour le happer.



Voyant qu’il ne peut pas échapper à l’abîme,
Le sauvage s’écrie :
— Oh ! viens ; suis ta victime ;
Viens, la mort nous attend, Ruzard. C’est pour tous deux
Le juste châtiment de nos crimes hideux.

Ruzard glissait, glissait. D’une voix effrayante
Le vieux huron reprit :
— La rivière bruyante
Va promener nos corps enchaînés par l’amour.
Nous sommes deux amis, partons le même jour :
Tenons-nous par la main, voilà la mort qui passe.