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tonkourou


Le père Jean Lozet, appuyé sur sa canne,
Pour le petit lutin qu’il idolâtre, glane
Dans les cenelliers verts quelques fruits empourprés.
Pendant qu’avec bonheur sur le tapis des prés,
À la fraîcheur du soir, l’on badine et folâtre,
L’aïeule, active encor, s’assoit au coin de l’âtre
Et tourne, en fredonnant, son rapide fuseau.

Sur l’orme chevelu chante un petit oiseau,
Comme en ce soir de deuil où le cruel sauvage
Ravit le jeune enfant et le rivage.

Alors, dans la pénombre, à travers le hallier,
On voit passer, non loin du toit hospitalier,
Un spectre qui paraît sous un voile de flamme
Dissimuler sa face. Au même instant la femme
Jusqu’au fond de son cœur sent courir un frisson.

L’ombre glisse sans bruit vers le petit garçon
Qui s’ébat radieux sur la pelouse tendre.
La mère jette un cri ; l’on voit ses bras se tendre
Comme pour protéger l’ange tout souriant.
Léon, pâle, se dresse et s’élance en criant :

— Tonkourou ! Tonkourou ! pourquoi fuis-tu la tombe ?