Page:Le Bon - Lois psychologiques de l’évolution des peuples.djvu/35

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sens de respect héréditaire des règles sur lesquelles l’existence d’une société repose. Avoir de la moralité, pour un peuple, c’est avoir certaines règles fixes de conduite et ne pas s’en écarter. Ces règles variant avec les temps et les pays, la morale semble par cela même chose très variable, et elle l’est en effet mais pour un peuple donné, à un moment donné, elle doit être tout à fait invariable. Fille du caractère et nullement de l’intelligence, elle ne se trouve solidement constituée que lorsqu’elle est devenue héréditaire, et, par conséquent, inconsciente. D’une façon générale, c’est principalement du niveau de leur moralité que dépend la grandeur des peuples.

Les qualités intellectuelles sont susceptibles d’être légèrement modifiées par l’éducation celles du caractère échappent à peu près entièrement à son action. Quand l’éducation agit sur elles, ce n’est que chez les natures neutres, ayant une volonté persque nulle, et penchant aisément par conséquent vers le côté ou elles sont poussées. Ces natures neutres se rencontrent chez des individus, mais bien rarement chez tout un peuple, ou, si on les y observe, ce n’est qu’aux heures d’extrême décadence.

Les découvertes de l’intelligence se transmettent aisément d’un peuple à l’autre. Les qualités du caractère ne se transmettent pas. Ce sont les éléments fondamentaux irréductibles qui permettent de différencier la constitution mentale des peuples supérieurs. Les découvertes dues à l’intelligence représentent le patrimoine commun de l’humanité les qualités ou les défauts du caractère constituent le patrimoine exclusif de chaque peuple. C’est le roc inébranlable que la vague doit battre jour après jour pendant des siècles avant d’arriver à pouvoir seulement en émousser les contours c’est l’équivalent de l’élément irréductible de l’espèce, la nageoire du poisson, le bec de l’oiseau, la dent du carnivore.

Le caractère d’un peuple et non son intelligence détermine son évolution dans l’histoire et règle sa destinée. On le retrouve toujours derrière les fantaisies apparentes de ce hasard très impuissant, de cette providence très fictive, de ce destin très réel, qui, suivant les diverses croyances, guide les actions des hommes.

L’influence du caractère est souveraine dans la vie des