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IV
PRÉFACE

pure sont bien souvent contraires à ceux de la raison pratique. Il n’est guère de données, même physiques, auxquelles cette distinction ne soit applicable. Au point de vue de la vérité absolue, un cube, un cercle, sont des figures géométriques invariables, rigoureusement définies par certaines formules. Au point de vue de notre œil, ces figures géométriques peuvent revêtir des formes très variées. La perspective peut transformer en effet le cube en pyramide ou en carré, le cercle en ellipse ou en ligne droite ; et ces formes fictives sont beaucoup plus importantes à considérer que les formes réelles, puisque ce sont les seules que nous voyons et que la photographie ou la peinture puissent reproduire. L’irréel est dans certains cas plus vrai que le réel. Figurer les objets avec leurs formes géométriques exactes serait déformer la nature et la rendre méconnaissable. Si nous supposons un monde dont les habitants ne puissent que copier ou photographier les objets sans avoir la possibilité de les toucher, ils n’arriveraient que très difficilement à se faire une idée exacte de leur forme. La connaissance de cette forme, accessible seulement à un petit nombre de savants, ne présenterait d’ailleurs qu’un intérêt très faible.

Le philosophe qui étudie les phénomènes sociaux doit avoir présent à l’esprit, qu’à côté de leur valeur