Page:Le Fèvre-Deumier - Œuvres d'un désœuvré, tome 2, Les vespres de l’abbaye Du Val, 1842.djvu/479

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V.


Apprenez au commerce à vous coûter moins cher !
Fermez-moi ces marchés, et ces bazars de chair,
Où, comme du bétail, vous vendez vos semblables !
Forcez vos condamnés à défricher vos sables.
Leur nombre vous effraie !… Arrêtez ces vaisseaux,
Qui, partis commerçants pour aborder tombeaux,
Vont, de leurs cargaisons insultant l’Amérique,
Replanter sur son sol leurs cadavres d’Afrique.
Vous courez sur les flots, corsaires dégradés,
Voler autant de pleurs, que vous en marchandez !
Vous faites travailler, sous le fouet du supplice,
L’innocence qui marche au pas de l’avarice !
Et quand ses remplaçants sont presque à votre choix,
Quand leurs bras, maniant la bêche au nom des lois,
Comme expiation, peut labourer vos îles :
Quand le soc pénitent, qui les rendrait fertiles,
Peut réhabiliter tant de sillons pervers,
Et des sueurs du nègre absoudre vos déserts,
Vous aimez mieux couper, qu’utiliser des têtes !
Vous aimez mieux, blanchis dans d’ignobles conquêtes,
En pirates d’humains écumer les climats,
Que de vous dégrever de vos assassinats !
L’Etat se sert de sang, pour graisser ses rouages :
Pays civilisés, que vous êtes sauvages !