Page:Le Grand Meaulnes.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

animation étrange, en se rapprochant de moi :

— Mais, écoute, Seurel ! Cette intrigue nouvelle et ce grand voyage, cette faute que j’ai commise et qu’il faut réparer, c’est, en un sens, mon ancienne aventure qui se poursuit…

Un temps, pendant lequel péniblement il essaya de ressaisir ses souvenirs. J’avais manqué l’occasion précédente. Je ne voulais pour rien au monde laisser passer celle-ci ; et, cette fois, je parlai — trop vite, car je regrettai amèrement plus tard, de n’avoir pas attendu ses aveux.

Je prononçai donc ma phrase, qui était préparée pour l’instant d’avant, mais qui n’allait plus maintenant. Je dis, sans un geste, à peine en soulevant un peu la tête :

— Et si je venais t’annoncer que tout espoir n’est pas perdu ?…

Il me regarda, puis, détournant brusquement les yeux, rougit comme je n’ai jamais vu quelqu’un rougir : une montée de sang qui devait lui cogner à grands coups dans les tempes…

— Que veux-tu dire ? demanda-t-il enfin, à peine distinctement.

Alors, tout d’un trait, je racontai ce que je savais, ce que j’avais fait, et comment, la face des choses ayant tourné, il semblait presque que ce fût Yvonne de Galais qui m’envoyât vers lui.

Il était maintenant affreusement pâle.

Durant tout ce récit, qu’il écoutait en silence, la tête un peu rentrée, dans l’attitude de quelqu’un qu’on a surpris et qui ne sait comment se