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LE MÉNESTREL

de l’Ordre teutonique de 1804 à 1835, et la signature de Beethoven. Ce sont deux marches, dont l’une fut composée en 1809, tandis que l’autre, écrite pendant la villégiature de Beethoven à Baden, près de Vienne, est datée du 31 juillet 1810. Les partitions sont autographes d’un bout à l’autre.

— La ville de Dresde va posséder dans le Palais de l’Exposition, où on est en train de l’aménager, une salle de concerts qui sera l’une des plus vastes de l’Allemagne et dont l’inauguration se fera solennellement, le 4 novembre prochain, par une exécution des Béatitudes de César Franck.

— À Hambourg, la Singakademie vient de publier le programme des quatre concerts qu’elle donnera, pour sa saison d’hiver, les 27 novembre, 19 février, 19 mars et 13 avril, avec le concours de la Société philharmonique. Les œuvres exécutées seront les suivantes : Messe solennelle, de Beethoven ; Esther, oratorio de Hændel ; le Chant des Parques, de J. Brahms ; Symphonie avec chœurs, de Beethoven ; la Passion selon saint Mathieu, de J.-S. Bach.

— Une société de téléphone à Budapest a été autorisée à établir une communication directe avec l’Opéra royal, de sorte que les abonnés de ladite société, au nombre de huit mille, peuvent entendre chez eux se qu’on chante à l’Opéra. Cette gracieuseté pourrait tout de même nuire aux intérêts de l’Opéra royal.

— L’orphéon de Mayence a récemment offert une sérénade au grand-duc de Hesse, qui se trouve pour quelque temps dans sa bonne ville de Mayence. Le prince se fit présenter le président de cette société, un brave bourgeois bien nourri, et lui dit en contemplant la phalange des chanteurs : « Je vois avec plaisir que vous avez grossi depuis ma dernière visite à Mayence. » Le président, très flatté, s’incline profondément et répond : « Oh ! oui, Altesse, de dix livres. »

— Les foudres de la justice peuvent tomber sur un critique musical qui se sert d’une langue trop pittoresque en rendant compte d’une représentation théâtrale. C’est ainsi que le critique musical du Tagblatt d’Ulm a été condamné à 30 marks d’amende par le tribunal d’Ulm, parce qu’il avait parlé dans son journal d’une chanteuse de concert dans des termes légèrement irrespectueux et l’avait même désignée comme « la vierge qui chante comme un coq ». Cette métaphore est dure peut-être et le critique aurait pu exprimer sa pensée dans un langage moins vif, mais on ne voit pas trop en quoi cette comparaison pouvait attenter à l’honneur de la chanteuse, qui n’aurait certainement pas déposé une plainte si le critique l’avait comparée au rossignol ou à l’alouette.

— Le théâtre Argentina, de Rome, vient d’établir définitivement son programme pour la prochaine saison de carnaval et carême. Les ouvrages représentés seront les suivants : Falstaff, de Verdi, Asrael, de M. Franchetti, Andrea Chénier, de M. Giordano, le Crépuscule des Dieux et Camargo. Voici les noms des artistes engagés : soprani, Mmes De Frate, Barducci, Ricci de Paz ; mezzo-soprano, Mme Locatelli ; ténors, MM. Mariacher, Borgatti, Sigaldi, Granados ; barytons, Scotti et Cioni. Manquent encore quelques artistes.

— Trois nouveaux professeurs viennent d’être nommés au Conservatoire de Milan : M. Gaetano Coronaro pour une classe de composition, avec un traitement de 3.000 francs, M. Gaetano Pasculli pour une classe de violon et alto, et M. Giacomo Baragli pour une classe de violoncelle, chacun avec un traitement de 1.500 francs.

— Nous avons annoncé qu’un impressario italien, M. Stainer, avait ouvert à Milan un concours pour la composition de plusieurs opéras en un acte destinés à être représentés par ses soins. Cent quatre-vingt-treize partitions ont été envoyées à ce concours, ce qui prouve qu’il y a encore en Italie un certain nombre de compositeurs qui nourrissent le désir et l’espoir de voir leurs œuvres offertes au public. Néanmoins, aucune de ces partitions n’a été jugée digne du premier prix, qui était de 3.000 francs. Le second prix, de 1.500 francs, a été adjugé à M. Vanbianchi, pour son opéra il Vascello, et trois troisièmes prix, de 500 francs chacun, ont été attribués à MM. Giannetti (il Liutaio di Cremona) Orefice (il Gladiatore) et Collini (la Creole). En outre, quatre ouvrages, sans obtenir de prix, ont été retenus pour être représentés.

M. Emilio Pizzi, qui a déjà composé pour Mme Adelina Patti un opéra en un acte intitulé Gabriella, vient d’écrire encore à son intention, sur un livret de M. Luigi Illica, un autre ouvrage du même genre et de même dimension. Titre de ce dernier : la Rosalba.

— À San Pietro in Bagno, première représentation d’un opéra en trois actes, Graziella, paroles de M. Corrado Pazzi, musique de M. Giuseppe Cassetti. À Marmirolo, apparition d’une opérette, i Fanciulli redenti, paroles du capitaine Ettore Boldrini, musique de M. Francesco Pinto. Au théâtre Armonia, de Trieste, autre opérette, il Passaporto del droghiere, musique de Mme Gisella della Grazie.

Mme de Serres, la si remarquable artiste qu’on a maintenant trop rarement l’occasion d’applaudir, a donné à Évian un superbe concert au profit des pauvres, où elle a enthousiasmé son auditoire.

— À Scheveningue, près de La Haye, a eu lieu un intéressant festival de musique belge dont l’Écho musical rend compte en ces termes : — « Le festival de musique belge organisé dans la coquette cité balnéaire a admirablement réussi ; c’est un succès considérable pour nos compatriotes. Le public a chaleureusement applaudi l’ouverture du Polyeucte d’Edgar Tinel ; le Poème symphonique de Peter Benoit ; une fantaisie de M. de Greef, exécutée au piano par l’auteur lui-même et accompagnée par l’orchestre ; une Orientale et un Springdans du même ; Milenka de Jan Blockx ; une Marche inaugurale, d’Émile Wambach ; un Rêve, de Karel Mesdagh, et un fragment symphonique d’Adolphe Samuel. La partie vocale était tenue par la remarquable cantatrice flamande Mlle Flament, qui a fait valoir sa belle voix et sa diction pleine d’autorité dans l’air de la cantate de Philipp Van Artevelde, de M. Gevaert, dans des lieder de MM. Gevaert, Radoux et Huberti, et un fragment de Stabat Mater du regretté Waelput ».

PARIS ET DÉPARTEMENTS

Ce n’est qu’au conseil des ministres de vendredi dernier qu’on a réglé définitivement les détails des représentations de gala à l’Opéra et à la Comédie-Française. À l’Opéra la représentation, qui ne commencera que lors de l’arrivée de l’empereur, durera en tout une heure et demie ; en voici le programme :

1o Hymne russe, chanté par tous les artistes ;

2o Ouverture : Marche héroïque (Saint-Saëns) ;

3o Deuxième acte de Sigurd (Reyer), avec Mme Caron ;

4o Méditation de Thaïs (Massenet) ;

5o Divertissement du 1er acte de la Korrigane (Widor), avec Mme Rosita Mauri.

À la Comédie-Française, le spectacle est ainsi composé :

1o Compliment composé par M. Jules Claretie, récité par M. Mounet-Sully, doyen de la Comédie-Française ;

2o Un Caprice, comédie en un acte (Alfred de Musset), joué par Mmes Bartet et Barretta, et M. Worms ou M. Le Bargy ;

3o Scène du duel du Cid, jouée par MM. Mounet-Sully et Silvain ;

4o Quatrième acte des Femmes savantes, avec MM. Coquelin cadet et de Féraudy dans les rôles de Vadius et Trissotin.

À l’Opéra, les souverains feront leur entrée par la place de l’Opéra et seront reçus, en même temps que le Président de la République, au bas de l’escalier, par MM. Bertrand et Gailhard. À la Comédie-Française, l’entrée se fera par la place du Théâtre-Français ; M. Jules Claretie recevra également les augustes invités au bas de l’escalier. Dans les deux théâtres, des gardes républicains formeront la haie jusqu’à la loge, qui sera spécialement aménagée. C’est la Présidence de la République qui fera toutes les invitations.

— À l’Opéra-Comique on est tout au Don Juan de Mozart, et on pioche ferme dans les foyers, bien qu’il ne paraisse pas qu’on se soit arrêté encore à une version définitive. Mais les décorateurs brossent leurs toiles du matin au soir, avec vigueur et aussi avec toute la grâce désirable.

— À l’Opéra, on ne pousse pas moins chaudement les études du même Don Juan ; on peut s’en rapporter à l’activité de M. Gailhard. C’est à qui des deux théâtres arrivera bon premier. Lutte curieuse et émotionnante. On en est « à la cravache », comme il est dit sur le terrain des courses, et on peut s’attendre à un dead heat.

— En attendant la venue de Don Juan, M. Carvalho a fait débuter dans le Pardon de Ploërmel une jeune artiste du nom de Courtenay, jeune Américaine, douée d’une fort jolie voix. Elle a réussi et le public l’a chaleureusement rappelée, après la valse du deuxième acte.

— Nicolet, du Gaulois, nous donne de bonnes nouvelles sur la reconstruction de l’Opéra-Comique, place Favart : « Ce ne sera donc pas un vain rêve ? Les hommes de notre génération auront donc la joie, avant de mourir, de voir l’Opéra-Comique reconstruit ? Sérieusement, on peut presque dire — à la grande surprise sans doute des Parisiens qui n’ont pas coutume de passer souvent sur la place Boieldieu — que le monument est aujourd’hui à peu près terminé. Tout au moins, le gros de l’œuvre est fait. La carcasse, l’ossature, c’est-à-dire toute la grosse maçonnerie : murs d’extérieur et d’intérieur, sous-sols, vestibules, couloirs, tours de salle, galeries des divers étages, tout cela est achevé jusqu’à la grande frise du sommet : il ne manque à l’immeuble que la couverture. Dès lors il n’y aura plus à faire, outre la charpente des toits, que la décoration extérieure, c’est-à-dire les sculptures de pierres, et l’aménagement intérieur, c’est-à-dire les travaux en fer et les boiseries. Déjà même on a posé les légères et solides armatures de fer qui formeront les loges ou baignoires du rez-de-chaussée. On n’a pas encore enlevé les immenses clôtures de planches qui écartent les curieux de la zone de travaux, que la monte de pierre de taille rend dangereuse, mais dès maintenant, cependant, on peut pénétrer sans inconvénient dans le monument, sous la conduite obligeante des architectes, et circuler dans ses diverses parties. L’édifice présente trois façades : place Boieldieu, rue Favart et rue Marivaux. Il y a cinq portes à la façade principale, surmontée d’un attique et décorée de statues en cariatides. Elles ouvrent sur un grand vestibule, d’où deux escaliers mèneront au premier étage, où se trouvera le foyer du public. Dans le soubassement des locaux sont ménagés pour le logement des postes de la garde républicaine, de la police, des médecins et des divers services. L’administration a son entrée et ses bureaux rue Marivaux. Sur la rue Favart se trouve l’entrée des décors et de la loge spéciale qu’un traité séculaire réserve à perpétuité, comme on sait, à la famille de Choiseul. La scène a onze mètres d’ouverture sur la salle. Cette salle, circulaire, contiendra quinze cents places. »